Le comptable compte, le manouvrier manoeuvre, le dramaturge dramatise, l'ingénieur s'ingénie, le romancier romance et l'imbécile, lui,...

L'imbécile compile
.

En marge :

Vivent les enfants de Cayenne ?

(Où l'on évoque les sanctions pénales, dont l'enfermement)

IV. De la portée et du fonctionnement de la CEDH

Laurence de Charette scribebat :

“La Cour européenne des droits de l'homme, qui fête son cinquantième anniversaire, a pris ces dix dernières années un essor considérable. La France attend plusieurs arrêts que ses magistrats s'apprêtent à rendre.

"La Cour !", annonce solennellement l'huissier. Lentement, les magistrats européens en robe prennent place autour des hauts bureaux en bois, bâtis en demi-cercle, au sein de la vaste salle d'audience ultramoderne du Palais des droits de l'homme de Strasbourg. Face à eux, les représentants du gouvernement belge, et les avocats du plaignant, un détenu qui a attaqué l'arrêt d'une cour d'assises belge, estimant qu'elle n'était pas motivée. Tous savent que, en dépit du caractère national de l'affaire, l'arrêt que les juges européens rendront dans les semaines à venir aura des répercussions sur l'ensemble des juridictions à travers l'Europe. En France, notamment, où le gouvernement étudie déjà un changement législatif ouvrant la voie à une motivation des arrêts d'assises.

Méconnue, la Cour européenne des droits de l'homme installée à Strasbourg, qui fête cette année son cinquantième anniversaire, a pris au cours des dix dernières années un essor considérable. Les citoyens des 47 pays du Conseil de l'Europe qui ont signé la Convention européenne des droits de l'homme la saisissent désormais en masse sur toutes les questions de société. Et les arrêts que rendent ces juges dont on parle si peu s'imposent à l'ensemble des juridictions et des gouvernements, qui se sont vus maintes fois déjà contraints de changer leurs législations.

Répartis en plusieurs chambres, les 47 magistrats de la cour - un par pays représenté - travaillent en anglais et en français, mais ils sont épaulés par de solides équipes de juristes multilingues. Ils rendent actuellement plus de 1 500 arrêts par an. Les juges strasbourgeois ont beau travailler dans l'ombre, leur fonction n'en est pas moins prestigieuse et rémunératrice. Ils bénéficient d'un traitement de 18 000 euros par mois, d'un statut diplomatique et d'une exonération d'impôt sur le revenu pendant les six années de mandat. Sur le papier, la procédure d'accès à cette fonction de sage est soigneusement contrôlée. Chacun des 47 États élabore une liste de trois candidats, dont une femme, recrutés au sein des magistrats, avocats, ou universitaires émérites du pays. C'est ensuite l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe qui tranche. Un filtre destiné à empêcher une politisation des nominations, mais dont l'efficacité ne peut être absolue.

Dernièrement, la commission chargée d'entendre les candidats afin d'éclairer le choix de l'Assemblée a suscité la critique pour avoir voulu écarter le juge estonien sortant, apprécié de ses pairs, mais qui n'était pas le poulain du pouvoir dans son pays... De même l'Assemblée parlementaire interroge les candidats en lice, notamment, sur leur passé politique. Cela n'a pourtant pas empêché la candidate d'un pays de l'Est de garder le silence sur ses anciennes fonctions de secrétaire de la cellule du parti communiste de son université...

Par ailleurs, les gouvernements, c'est de bonne guerre, présentent plutôt à cette fonction gratifiante - et extrêmement lucrative même au regard des revenus moyens d'une partie des pays représentés -, des juristes "amis" : l'alternance politique à la tête d'un pays peut être à l'origine de la non-reconduction du magistrat qui le représente à la CEDH, comme ce fut le cas dernièrement pour la Moldavie.

Les juges nommés au sein de la prestigieuse cour strasbourgeoise défendraient-ils donc systématiquement leur pays ? La question est vécue comme indigne, dans les couloirs de cet univers feutré, ou même le candidat à la présidence ne fait pas officiellement campagne. Le 16 novembre prochain, les juges européens éliront ainsi à nouveau leur patron, mais les noms des volontaires, ne sont pas encore en circulation. Seul celui de Jean-Paul Costa, président français sortant, juge à Strasbourg depuis 11 ans, et apprécié de ses pairs, est aujourd'hui prononçable.

"Ici, il se crée une sorte d'osmose, les magistrats oublient vite leurs pays d'origine… surtout quand il est lointain", racontent volontiers les sages eux-mêmes, citant, comme autant de faits d'armes, les affaires où un magistrat a voté contre son "camp" d'origine. "Un magistrat qui voterait systématiquement en faveur de son pays perdrait toute crédibilité vis-à-vis de ses pairs", explique Patrick Titien, membre du cabinet de la présidence. Car, autre particularité de la CEDH, il n'est guère compliqué de savoir qui a voté quoi. Les juges ont en effet la possibilité de développer leur point de vue, à côté de l'arrêt, qu'ils l'approuvent ou non. Cette pratique inspirée du droit anglo-saxon est très utilisée. Or, comme le nombre de voix pour ou contre la condamnation d'un pays est public, les calculs sont en général vite faits. "Pour autant, je n'ai jamais, au grand jamais, reçu de consigne politique", défend vivement Françoise Tulkens, juge belge issue du monde universitaire. La cour projette quand même une réforme du statut de ses juges, qui devraient à l'avenir être nommés pour 9 ans au lieu de 6, mais avec un mandat non renouve-lable, ceci pour une meilleure garantie d'indépendance.”

(Laurence de Charette, « Ces juges européens qui influencent le droit français » in Le Figaro, 30 octobre 2009, lefigaro.fr/...)
Céans, le vendredi VI novembre MMIX

Le recours de Lucien Léger, condamné en 1966 par la France à la perpétuité, laisse entrevoir la portée et du fonctionnement de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH).

Ce dernier a déposé une requête (n° 19324/02) en 2002 estimant que son maintien en détention du fait de sa condamnation correspondait en réalité à une peine perpétuelle incompressible, arbitraire en violation de l'article 5 § 1 a de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent [...] » echr.coe.int/...) et constitutif d'un traitement inhumain et dégradant au sens de son article 3 (« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » echr.coe.int/...).

La deuxième section de la Cour, le 11 avril 2006, en réponse, a estimé que « à partir de 1979, soit après quinze années, il a eu la possibilité de demander sa libération conditionnelle à intervalles réguliers et a bénéficié de garanties procédurales. Dans ces circonstances, la Cour est d’avis que le requérant ne peut prétendre qu’il était privé de tout espoir d’obtenir un aménagement de sa peine, laquelle n’était pas incompressible de jure ou de facto. Elle en conclut, à cinq voix contre deux, que le maintien en détention du requérant, en tant que tel, et aussi long fut-il, n’a pas constitué un traitement inhumain ou dégradant » (cmiskp.echr.coe.int/...).

Ensuite, le 7 juillet 2006, Lucien Léger, mécontent de ce résultat, a demandé le renvoi de l'affaire devant la Grande Chambre de la CEDH. Toutefois, Lucien Léger ainsi que son conseil étant décédés avant le 30 mars 2009, jour de l'audience, l'affaire Kafkaris ayant déjà apporté une jurisprudence en la matière, l'affaire fut radiée du rôle, décision prise à treize voix contre quatre (cmiskp.echr.coe.int/...). Les quatre juges ayant une opinion dissidente arguent que cette affaire est d'une portée générale et que l'absence de partie requérante constituée d'héritiers ou proches parents ne devrait pas y mettre terme. Ainsi, Dean Spielman indiquait avoir « voté contre la radiation de la présente affaire du rôle car j'estime qu'elle présente des particularités dont les incidences sur le respect des droits garantis par la Convention exigeaient la poursuite de l'examen de la requête par la Cour [...] la Cour aurait pu décider de trancher, dans l'intérêt général, des questions qui relèvent de l'ordre public, en élevant les normes de protection des droits de l'homme et en étendant la jurisprudence dans ce domaine à l'ensemble de la communauté des Etats parties à la Convention [... étant entendu que] Les questions soulevées par les affaires Kafkaris et Léger ne sont pas identiques dans leurs éléments factuels et dans leurs autres aspects  ».

Cet exemple met ainsi en lumière, au delà du double degré de juridiction de la Cour, l'ampleur du fond sur lequel les arrêts de la CEDH portent. Dans l'affaire évoquée, juger le fait (La France a t-elle imposé à Lucien Léger un traitement inhumain ou dégradant en le maintenant en détention pendant une très longue durée ? La France a t-elle proscrit arbitrairement toute possibilité de libération de Lucien Léger, le détenant ainsi de irrégulièrement ?) revient, en partie, à juger le droit national (La peine de réclusion criminelle à perpétuité prévue par le droit français est-elle une peine inhumaine ou dégradante ? Les mécanismes de libération conditionnelles prévus sont-ils effectifs ?) en droit européen.

Aussi, il est remarquable que la CEDH publie ses arrêts en détaillant ses motivations, en incluant en note les opinions dissidentes, partiellement dissidentes ou/et partielles concordantes des juges ayant siégé. Comme le remarque Michel Huyette, l'absence d'exigence de motivation de décision en cour d'assises est une porte ouverte à l'arbitraire ainsi qu'à la contestation absurde (huyette.net/...), peut-être il y a t-il donc quelque chose à retenir du mode de publication des décisions de la CEDH, en dépit du fait que la notion d'intime conviction en vigueur dans le droit français semble s'y opposer.

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