Le comptable compte, le manouvrier manoeuvre, le dramaturge dramatise, l'ingénieur s'ingénie, le romancier romance et l'imbécile, lui,...

L'imbécile compile
.

En marge :

Nul n'est responsable que de son propre fait ?

(Où l'on raisonne sur la notion de responsabilité individuelle)

III. De la place de la victime dans le procès pénal

Liora Israel scribebat :

“Si l'on reprend le point de vue d'Emile Durkheim sur le rôle de la sanction et donc de la justice, dans De la division du travail social, cet accroissement de la place des victimes, accompagnant une fonction avant tout répressive conférée à la justice, peut-être interprété comme une forme de régression. Durkheim considérait que le droit répressif correspondait à des sociétés aux moeurs grossières, dans lesquelles la division du travail est peu répandue, associées à une solidarité de type mécanique, reposant sur la similitude entre les personnes, par contraste avec des sociétés plus avancées caractérisées par un droit de nature plus coopérative, correspondant à une division du travail plus importante et une solidarité de type organique, liée à l'appartenance à des groupes spécialisés. Selon ce modèle, le primat accordé aux victimes serait moins ce qu'il prétend être, c'est-à-dire une justice plus proche de l'humain, que le symptôme d'une société dans laquelle les liens sociaux se sont affaiblis. En ce sens, l'insistance sur la vengeance ou la consolation des victimes occulterait la perte du sens de la solidarité sociale d'une société complexe. L'évolution récente de la politique pénale en France confirme cette interprétation : l'accent mis sur les victimes correspond dans le même temps au privilège accordé à la répression au détriment de la prévention et plus encore de la réinsertion. C'est particulièrement net dans le discours politique porté par les plus hautes autorités, qui insiste à maintes reprises sur le caractère insupportable de la récidive pour les anciennes victimes ou leurs familles - conduisant notamment à une pénalisation accrue des malades mentaux ou mineurs.”

(Liora Israel, Contester n°07 : L'arme du droit, Presses de Sciences Po, Paris, 2009, p. 124-125)
Céans, le mercredi XXVII janvier MMX

Le jugement de valeur n'éclaire guère l'étude du fait sociologique, il importe peu, en conséquence, de savoir si la place donnée de nos jours à la victime doit être qualifiée de régression ou de progression. Mais, sur le fond, il y a sans doute quelque bon sens à postuler que, si les citoyens ne se sentent plus portés en général par l'action publique, il est cohérent que les plaignants en particulier revendiquent le statut de victime. Cependant, l'emploi même de l'expression victime en amont ou au cours du procès pénal est ambigu à plusieurs égards.

En premier lieu, tant qu'une affaire n'a pas été jugée, il n'existe ni coupable, ni même certitude de la commission d'une infraction pénale. Il appartient à la juridiction de jugement seule de le déterminer. Or l'emploi prématuré du terme victime impose de le préjuger, en totale incompatibilité avec la notion pourtant consacrée de présomption d'innocence.

En second lieu, si l'emploi du terme victime se diffuse, ce n'est pas pour être strict synonyme de plaignant, c'est à dire d'une partie civile au procès pénal. Lors d'un procès pénal, la juridiction de jugement statue sur l'action publique, où le demandeur est le procureur de la République au nom de la société, ainsi que sur l'action civile, où le demandeur est le plaignant. À l'action publique répondra une ou des peines, comme l'emprisonnement ou l'amende ; à l'action civile répondra un dédommagement, généralement pécuniaire, en relation avec l'intérêt à agir ayant prévalu lors de la constitution de partie civile du plaignant. La victime, considérée de la sorte en amont du jugement, ne se contente pas de réclamer des intérêts civils : elle réclame une sanction en son nom. Ainsi, elle s'inscrit autant dans l'action civile, disposition naturelle, que dans l'action publique. Le procureur de la République ne requiert plus pour la société en son entier mais pour la société et la victime. C'est cet esprit qui est à l'oeuvre lorsqu'on propose d'instituer une procès pénal de principe lorsque le suspect est déclaré irresponsable pénalement : il y a aura verdict de culpabilité, prérequis à la prise en considération en tant que telle de la victime, sans possibilité d'action civile.

L'adoption de la « proposition de loi tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux » (Texte adopté n° 399, assemblee-nationale.fr/...) illustre dans une certaine mesure l'évolution ambigue de l'usage la notion de victime. Désormais, les infractions de viol et d'agression sexuelle « sont qualifiées d’incestueuses lorsqu’elles sont commises au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ». Ce changement seul apparaît cosmétique. Conjugué avec la précision que « la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime » ainsi que la mutation de la circonstance aggravante « commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime » en « commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait », la qualification des faits s'en trouve simplifiée. Non seulement la loi explicitement prévoit la prise en considération d'un simple écart d'âge comme moyen de contrainte morale mais, de plus, elle évoque la nature duelle de l'autorité, à savoir le droit et le fait. Ainsi la démonstration de l'absence de consentement éclairé est légèrement facilitée tout comme la prise en compte de l'aggravation causée par l'autorité exercée par le mise en cause sur le sujet du crime ou délit. Mais cela ne bouleverse guère la répression de ces infractions. Marie-Louise Fort, à l'origine de la proposition de loi ne dit pas le contraire, car pour elle prime la prise en considération des victimes : « Si ce texte ne prévoit pas de peines supplémentaires, c’est qu’il est d’abord axé sur les victimes. Il a beaucoup été question de l’affaire Josef Fritzl, en Autriche, mais notre pays n’est pas épargné par le fléau de l’inceste, comme le cas de Lydia Gouardo nous l’a malheureusement rappelé. Or, il n’y a pas de prise en charge spécifique des victimes en France [...] » (Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mercredi 8 avril 2009, Séance de 9 heures 30, Compte rendu n° 39, assemblee-nationale.fr/...). Dans cet esprit, la loi, qui de l'aveu de son auteur principale est avant tout une loi de clarification, propose aussi la constitution de partie civile par les associations de lutte contre l'inceste (assemblee-nationale.fr/...). Mais quel rôle, au juste, jouent exactement ces associations dédiées à certains crimes ou délits (sexuels, racistes, etc) au nom de leurs victimes sinon celui de (tenter de) s'exprimer au nom de la société ?

La prise en considération des victimes dans notre procédure pénale est donc un sujet mouvant. Le sujet brûle aux lèvres, il est sans nul doute de bon calcul en terme électoral de ne point rechigner à s'en emparer. Il est fort possible que l'importance que revêt cette prise en considération soit liée au déclin du modèle civique que, peu ou prou, incarne le procureur de la République. Est-ce pour autant que nous sommes dans une phase de « pénalisation accrue » symptômatique d'un retour à une « société aux moeurs grossières », est-ce pour autant exact que tout élan répressif « se ferait au détriment de la prévention et plus encore de la réinsertion » ? L'exemple législatif du jour ne conforte guère cette proposition.

#? > Réagir :

Pseudonyme, nom :

Adresse (URL ou courriel) :

Commentaire :

Sur le même thème

Thèmes en relation

     Mais que fait la police ?         Libres et égaux en droits ?
      J'accuse...!          Ça fait d'excellents Français
     Out Run