Le comptable compte, le manouvrier manoeuvre, le dramaturge dramatise, l'ingénieur s'ingénie, le romancier romance et l'imbécile, lui,...

L'imbécile compile
.

En marge :

Entité : Michel Olivères

I. Du bon droit du personnage du justicier

Roland Agret scribebat :

“Assis dans le couloir, j'ai remarqué une fenêtre sans barreaux qui donnait sur les toits. Je me suis immédiatement faufilé d'un toit à l'autre et j'ai commencé à sonner une cloche qui se trouvait là, juste au sommet. J'ai jeté une lettre que j'avais préalablement rédigée à l'intention du directeur de la prison. Je suis resté vingt-quatre heures sur ce toit, exigeant de voir un magistrat habilité à entamer une révision de procès. Les négociations ont duré des heures. Le directeur de la prison me parlait depuis la fenêtre de son bureau. Et puis un procureur est arrivé. Il s'appelait Michel Olivères et ce fut mon meilleur avocat. Il m'a dit qu'il avait pu consulter mon dossier et m'a juré qu'il existait des éléments lui permettant de soutenir une demande de révision [...] J'ai été accueilli par le directeur et les matons qui s'apprêtaient à me jeter au cachot. Le procureur s'est interposé, en expliquant que j'avais passé deux nuits dehors et que je devais avoir très froid, exigeant que je vois un médecin. Il a également demandé au directeur de la prison de me laisser seul, quelques instants, dans une pièce attenante avec [ma femme] Marie-Jo. Ce brave procureur venait de nous inventer le premier "parloir libre". [...] Un jour, il est venu me voir au quartier disciplinaire. Le surveillant m'a fouillé avant que j'entre dans la pièce. [...] En sortant de la pièce, le surveillant m'a fouillé une nouvelle fois. Le procureur est alors entré dans une colère noire, demandant au maton s'il était soupçonné de m'avoir fait passer une arme ! Le pauvre type a protesté que c'était le règlement, ce à quoi le procureur a répondu qu'il fallait le revoir.”

(Roland Agret, Et si on jugeait les juges ?, Paris, 2009, p. 27-29)
Céans, le mercredi V mai MMX

Le procureur de la République est, par essence, l'avocat de tous ; il ne peut donc ne devenir que celui d'un seul. Le procureur de la République est, de même, le moteur de la mise en oeuvre des principes édictés dans l'intérêt de tous ; il ne peut donc se poser en détracteur facile de ces règles. Il ne le peut en principe.

Connaissant la suite de l'histoire, il est aisé de reconnaître que le « brave procureur » Michel Olivères s'est inscrit du bon côté de la barrière. Il a su comprendre que se déroulait une injustice, il a pris parti, s'est impliqué, pour la libération de Roland Agret et la révision de sa condamnation. Et, aujourd'hui, fait validant indirectement sa démarche, Roland Agret est lavé de la macule criminelle par la plus haute instance. En outre, Olivères ne s'est pas contenté de faire déjà plus qu'il n'était tenu de le faire en terme de Justice. Il a tenté d'insuffler un peu d'humanité dans le cadre carcéral en faveur d'Agret. Il a bravé le principe, il a foulé du pied son mandat dans un intérêt reconnu supérieur à terme. Loin des beaux discours, des grandes théories, en y mettant du temps, du talent et du coeur, et il a changé la vie, pour reprendre la formulation habile de Jean-Jacques Goldman.

Dans la pratique, il est aisé pour le magistrat, notable parmi les notables en son fief judiciaire, de vilipender des « pauvres types » qui se cachent derrière un règlement dont l'application l'outrage. Olivères est-il choqué par le principe de fouille après parloir ? Manifestement oui. Pourtant, étant procureur de la République, il ne peut ne pas envisager le risque que cela impliquerait de se fier à n'importe qui. Justement, il n'est pas n'importe qui ; mais n'est-ce pas l'essence même de l'égalité de droit de prendre tout le monde pour n'importe qui ? Après tout, les avocats ne prêtent-ils pas serment de probité ? Ce règlement, sur ce point, n'est pas infondé : il est gage de sécurité et peu propice à l'arbitraire. Et si les « pauvres types », gardiens de prison, l'évoquent, c'est que, s'agissant du fondement en droit de leur action, il ne peut en être autrement. Ce n'est pas que ces « pauvres types » soient convaincus que ce règlement est injustifié, ce n'est pas que ces « pauvres types » soient incapables de justifier l'application qu'ils font de ce règlement ; ce ne sont pas de sombres kapos, exécutants sans conscience des besognes les plus scabreuses. Leur réponse se fait tout simplement dans la langue maternelle du notable magistrat : le droit, c'est à dire la loi ou le règlement. Et, dans ce cas précis, Olivères, au bénéfice d'un seul, lui-même, se permet de mettre en cause ce qui fonde son autorité -qui elle, et elle seule, l'autorise à donner de la voix. Autre exemple, toujours au bénéfice d'une personne privée, Olivères s'arroge le droit de modifier la nature de la sanction pénale inventée par tous et mise en oeuvre au nom de tous, en permettant un « parloir libre ».

Personnage inévitable des mauvaises séries télévisées, le rôle du justicier redresseur de torts, rebelle esprit libre face au système ankylosé, bienveillant humaniste pourfendant l'aveugle avilissement du mépris du puissant, ne s'incarne pas sans coût social. Il est souhaitable d'avoir des magistrats lucides, courageux, prêts, naviguer à contre-courant ; mais il ne suffit pas de voguer de la sorte pour être certain d'aller dans le bon sens. Et, pire, il ne suffit pas d'aller dans le bon sens pour bien agir. Il existe des complaisances, des facilités, qui prennent forme dans le fracas et l'affrontement.

#1 > Le mercredi 23 juin 2010 à 22h36 par Jean-Pierre VIDOLE et Robert ROBICHET :

Tenez l'enclume ! Faite nous un commentaire de cela, que l'on se marre un moment
<lien>

#2 > Le dimanche 4 juillet 2010 à 16h55 par Jean-Pierre VIDOLE et Robert ROBICHET :

Cela vous laisse sans voix ? Je vous rassure, nous aussi.
Finalement, quelle est votre consistance ?

#3 > Le jeudi 5 août 2010 à 21h06 par Jean-Pierre VIDOLE et Robert ROBICHET. :

Ressaisis toi Marcel ! Tu nous laisses tomber ces derniers temps.
Viens à l'appui de cette déclaration officielle et dotez d'une légitimité électorale de premier plan que tu n'as pas.
Ce sont quand même des officiers qui parlent !
<lien>
Tu as déjà fermé un blog. Tu ne vas pas pas en fermer un second !
Montre que tu as de la consistance !

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