Le comptable compte, le manouvrier manoeuvre, le dramaturge dramatise, l'ingénieur s'ingénie, le romancier romance et l'imbécile, lui,...

L'imbécile compile
.

En marge :

Entité : Laurent Mucchielli

I. De l'évolution des verdicts d'assises

Marie Boeton scribebat :

“En 1990, La Croix avait mené une enquête inédite sur les cours d’assises. Vingt ans après, nous avons refait ce travail. Il apparaît que les homicides sont en baisse constante, alors que les viols augmentent sensiblement. Les peines, elles, sont considérablement plus sévères

On entend tout et son contraire sur les assises. Certains dénoncent un laxisme grandissant, quand d’autres fustigent une politique pénale trop répressive. Les victimes se plaignent de l’indulgence des peines, quand les avocats de la défense dénoncent des sanctions toujours plus lourdes. Comment s’y retrouver ?

C’est précisément ce à quoi s’est attelée La Croix en comparant à vingt ans d’intervalle l’activité des cinq cours d’assises siégeant à Douai, Paris, Aix-en-Provence, Lyon et Versailles. En s’appuyant sur les verdicts rendus entre 1985-1989 puis entre 2004-2008 pour trois catégories de crimes pour viol, homicide volontaire et vol criminel (avec effraction, en réunion, avec armes, etc.). De cette comparaison inédite, il ressort plusieurs constats impressionnants.

*
* *

Des homicides en baisse

C’est le premier enseignement majeur. En vingt ans, le nombre d’homicides volontaires a sensiblement baissé. À la cour d’assises de Paris par exemple, 105 personnes ont été jugées pour ces faits ces cinq dernières années, contre 279 il y a vingt ans. À Lyon (Rhône), la baisse enregistrée est de 60 %.

La chancellerie relativise certes cette diminution en rappelant qu’elle ne dépasse pas 14 % au plan national. Mais du côté de l’Observatoire national de la délinquance (OND), on assure que le nombre d’homicides enregistré par la police a baissé de 30 % en quinze ans et qu’il a même atteint son plus bas niveau en 2009.

« Les statistiques sanitaires, policières et judiciaires abondent toutes dans le même sens. La période actuelle est la moins meurtrière depuis le début du XXe siècle », confirme le sociologue Laurent Mucchielli, auteur de L’Histoire de l’homicide en Europe (1). « Ce constat invite à une plus grande prudence celles et ceux qui embrassent un peu vite l’air du temps et s’inquiètent d’une montée de la violence physique ».

*
* *

Davantage de viols jugés

À cette baisse des homicides répond une augmentation considérable du nombre de viols soumis aux jurés. Alors que les vols criminels constituaient la majorité des affaires renvoyées aux assises il y a vingt ans, ils se trouvent aujourd’hui relégués loin derrière les viols. À Douai, par exemple, les vols ont baissé de 44 % quand les viols, eux, ont augmenté de 70 %.

Constat identique à Aix-en-Provence, qui compte sur vingt ans deux fois moins de vols et 40 % de viols supplémentaires. Une évolution qui fait écho aux statistiques nationales de la chancellerie, selon lesquelles les viols renvoyés devant la justice ont augmenté de 179 % en vingt ans, quand les vols accusaient une baisse de 42 %.

Toutefois, que l’on ne s’y trompe pas. Ces chiffres ne signifient pas nécessairement que davantage de violeurs passent à l’acte. « Cette évolution démontre avant tout que les services policiers et judiciaires sont davantage à l’écoute des victimes », souligne Me Anne Jonquet, avocate à Bobigny et spécialiste de ce contentieux. « Les crimes sexuels sont d’autant plus fréquemment portés à la connaissance des autorités que plusieurs lois récentes ont étendu la définition même du viol. »

Depuis 1990, par exemple, la Cour de cassation reconnaît le viol entre époux. En 1994, le nouveau code pénal a donné une définition plus large du viol. Enfin, depuis 2004, tout adulte a la possibilité, à sa majorité, de porter plainte pour un viol subi dans son enfance et cela pendant vingt ans, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de 38 ans. Autant de réformes ayant abouti à une multiplication de procès.

*
* *

Des condamnations de plus en plus sévères

Autre phénomène mis au jour grâce à notre enquête. En vingt ans, les peines de prison se sont considérablement allongées. Le nombre de condamnations à plus de 10 ans de réclusion a fait un bond impressionnant. À preuve, il y a vingt ans à Versailles, 25 % des violeurs écopaient de plus de dix ans de prison, c’est le cas de 45 % d’entre eux aujourd’hui. Dans cette même cour d’assises, le constat est plus saisissant encore en matière d’homicide : il y a vingt ans, 35 % des condamnés se voyaient infligés plus de dix ans de réclusion, contre 80 % aujourd’hui.

À cela, plusieurs raisons. La flambée, dans les années 1990, du contentieux portant sur les crimes sexuels commis sur mineurs ne serait pas étrangère à cette évolution. Me Alain Molla, avocat pénaliste depuis trente-trois ans notamment à la cour d’assises des Bouches-du-Rhône (Aix-en-Provence), situe le début de cette sévérité accrue à ces mêmes années.qui atteignit tous les crimes », estime-t-il.

Cette évolution des mentalités s’est accompagnée d’une empathie plus grande en direction des victimes. « Or, elles ont aujourd’hui tendance à demander un surplus de pénalité dans l’espoir de compenser ainsi leur douleur », estime Denis Salas, magistrat et auteur de La Volonté de punir (2). « Dans ce contexte, la sévérité des peines ne peut que s’accroître… »

*
* *

Des verdicts plus cohérents d’une cour à l’autre

Alors qu’il ressortait des statistiques recueillies il y a vingt ans des verdicts très contrastés, on constate cette fois une certaine cohérence dans les sanctions prononcées aux différents coins de France. Ce qui n’empêche pas la cour d’assises siégeant à Aix-en-Provence de se distinguer légèrement des autres pour sa sévérité, de même que pour son taux d’acquittement élevé puisqu’il concerne plus de 10 % des prévenus, contre 5 % en moyenne ailleurs.

Autre constat, conforme cette fois à celui dressé il y a vingt ans : la cour d’assises de Paris reste la plus indulgente des juridictions. Un président de cour d’assises ayant siégé à Paris et en province avance une possible explication : « Le niveau d’études des jurés y est souvent plus élevé qu’ailleurs. Lors des délibérations, ils débattent de manière souvent plus abstraite et distante de l’acte commis. Ils prennent plus souvent en compte la souffrance psychique de l’accusé. Tout cela a tendance à diminuer la peine. »

*
* *

Des acquittements stables et des appels limités

Dernière leçon : la proportion des acquittements est, elle, restée plutôt stable au fil des ans. Ainsi à Douai, on passe de 6,4 % d’acquittés à 6,6 %, à Versailles de 4,6 % à 4 %, à Lyon de 3,1 % à 2,5 %. Enfin, n’ayant été introduite qu’à partir de l’an 2000, la possibilité de faire appel des verdicts d’assises empêche toute comparaison avec les chiffres collectés par La Croix dans les années 1980.

Cependant, une étude menée par la chancellerie pour les années 2003-2005 montre que l’appel n’a que peu d’incidence sur le verdict final. Seule une personne sur quatre y recourt. Et parmi elles, moins d’une sur dix voit sa peine inversée (passant du statut d’acquitté à celui de condamné, ou l’inverse). Toutes les autres écopent de sanctions proches de celles prononcées en première instance.

Une comparaison qui se situe au moment où une nouvelle réforme pénale pourrait voir le jour. Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, doit en dévoiler les contours en février (lire les Repères). Mais, d’ores et déjà, avocats et magistrats parient sur une nouvelle évolution des sanctions. La motivation des verdicts d’assises pourrait notamment y contribuer.

C’est en tout cas l’opinion de l’avocat pénaliste Me Gilles-Jean Portejoie : « En empêchant les jurés de s’en remettre à leur seule “intime conviction” et en leur demandant d’expliquer la démarche qui les amène à condamner, le doute de certains apparaîtra au grand jour. » À suivre donc, et rendez-vous dans vingt ans…”

(Marie Boeton, « La justice en France, au crible des verdicts d’assises » in La Croix, 1er février 2010, la-croix.com/...)
Céans, le mardi II février MMX

Les chiffres apportés ne manquent pas d'attrait. Les conclusions, toutefois, restent intrinsèquement fragiles : deux faits criminels, s'ils reçoivent la même qualification pénale, ne sont pas identiques, ils sont même parfois très différent, ne serait-ce qu'au regard de la personnalité de leurs auteurs. La sévérité ou clémence de la réponse pénale ne découle ainsi pas nécessairement de l'état d'esprit des jurés, mais bien des circonstances du fait.

Ainsi, Laurent Mucchielli, constant lorsqu'il s'agit de minorer toute inquiétude concernant une éventuelle croissance de la délinquance (cf. riesling.free.fr/... et riesling.free.fr/...), à beau jeu d' « inviter à une plus grande prudence celles et ceux qui embrassent un peu vite l’air du temps et s’inquiètent d’une montée de la violence physique », toutefois, la baisse des vols criminels jugés (vu le nombre de vols à main armés s'étant produits en 2008, il importe de bien distinguer le fait constaté du fait jugé) conjugué avec la sévérité accrue des juridictions ne suffit pas à briser toute inquiétude. Car si les juridictions sont plus sévères, notamment pour les viols, cela indique sans doute une plus grande prise en considération de la gravité des infractions à caractère sexuel, certes ; mais rien ne permet d'affirmer que cela n'indique pas non plus que ces faits plus souvent jugés ne se produisent pas dans des circonstances plus ignobles. Ce n'est peut-être pas le cas, mais pour le déterminer, on ne peut se contenter, imprudemment, de comparer les faits selon leur qualification pénale.

(Je me refuse à commenter les déclarations d'un président de cour d'assises persuadé que le niveau d'étude à Paris est souvent supérieur à celui des villes sièges de cours d'assises de province. Le propos en dit long sur son auteur, il nous apprend que l'on peut ainsi présider une cour d'assises en étant ainsi gonflé de préjugés - du préjugé parisiocentriste au préjugé scolaire)

#? > Réagir :

Pseudonyme, nom :

Adresse (URL ou courriel) :

Commentaire :

Sur le même thème

Thèmes en relation

Mais que fait la police ?         Ça fait d'excellents Français        100 Centre Street         Nul n'est responsable que de son propre fait ?           Vivent les enfants de Cayenne ?